Le concours est maintenant officiellement terminé, et en félicitant les heureux gagnants pour leur perspicacité,
j'ai le plaisir de fournir ci-après les réponses aux 17 + 3 questions avec des éclaircissements et des commentaires sans doute nécessaires...
1 - René Barjavel a réalisé l'adaptation d'une série télévisée de S.-F. : Orion Commando spatial [C]
Cette série allemande de Rolf Honold, dont le titre original était Raumpatrouille Orion, fut achetée par la Télévision française en 1966 pour y être adaptée et diffusée au printemps suivant.
René Barjavel fut chargé de cette adaptation, tâche dont il s'acquitta très consciencieusement eu égard la relative qualité de l'oeuvre dont la critique déplora assez unanimement le côté "bavard"...
Six épisodes furent diffusés le lundi soir sur la Première chaîne à partir du 13 mars 1967 (lendemain de second tour d'élections législatives), succédant à la diffusion de la fameuse série d'action "Les Incorruptibles" qui avait tenu en haleine les téléspectateurs pendant l'hiver 1966-67.
Après une interruption de deux semaines, un septième épisode fut programmé le 8 mai, et la série s'arrêta là. Pourtant, d'autres aventures furent diffusées, en couleurs cette fois, à la télévision allemande à l'automne suivant.
On trouvera maintenant sur le barjaweb
(une présentation de cette réalisation) avec des articles de l'époque, dont le lexique de langage galactique que Bajavel rédigea pour la circonstance et qui fut publié in extenso dans le magazine Télé 7 Jours..
Si une telle diffusion peut paraître de nos jours banale, il faut bien réaliser que c'était la première fois
que la Télévision française présentait de la science-fiction au public. La revue Fiction salua l'événement
et le commenta abondament par un article de Guy Allombert dans le numéro 162
{ voir cet article }.
Les nostalgiques de cette période pourront aussi
{
écouter la musique au charme désuet du générique de la série, ! } par Peter Thomas, qui fut plus récemment modernisée par l'usage de synthétiseurs, et qui agrémenta le début du Café Littéraire de la Journée Barjavel 2002...
Enfin il est utile de signaler que Barjavel lui-même ne tira aucun ouvrage écrit de cette réalisation, mais que ce fut l'écrivain
Pierre Lamblin qui publia peu après un livre racontant sous forme romancée les épisodes diffusés en France
{ voir }, livre à présent recherché des collectionneurs.
Raumpatrouille Orion bénéficie touours en Allemagne d'un cercle de fans et quelques sites Internet lui sont consacrés :
Note : ces éléments étaient consultables dans le barjaweb dans la page
la biographie détaillée.
Les titres Le Secret des étoiles et La Porte des glaces sont de pure invention... Ils visaient quelque peu à induire une confusion avec Le Grand Secret, La Nuit des temps et d'autres titres typiquement S.-F....
2 - Des extra-terrestres sont mentionnés dans : « La Nuit des temps ». [B]
En effet, parmi les informations rapportées par Éléa du passé très ancien et de l'histoire de la civilisation de Gondawa
figure la mention des habitants de Mars, les bergers noirs :
Éléa ne connaissait pas Mars, où ne s'étaient posés jusqu'alors que des vaisseaux d'explorateurs ou de militaires. Mais elle avait vu des "bergers noirs". Et elle en avait reconnu un, ici même, à l'EPI !
La première fois qu'elle avait rencontré Shanga l'Africain, elle avait manifesté sa surprise, et elle l'avait désigné par des mots dont la Traductrice avait donné l'interprétation suivante : "le berger venu de la 9e Planète". Il fallut un long dialogue pour comprendre, d'abord, l'habitude gonda de compter les planètes non à partir du soleil, mais à partir de l'extérieur du système solaire. Ensuite, que ledit système ne comprenait pas pour eux 9 planètes mais 12, soit 3 planètes au-delà de la maléfique et déjà si lointaine Pluton.
Cette nouvelle jeta les astronomes du monde entier dans des abîmes de calculs, de vaines observations, et de discussions aigres. Que ces planètes existassent ou non, la 9e, en tout cas, dans l'esprit d'Éléa, était bien Mars. Elle affirma qu'elle était habitée par une race d'hommes à la peau noire, dont les vaisseaux gondas et enisors avaient ramené quelques familles. Avant cela, il n'existait sur Terre aucun homme de couleur noire.
Shanga fut bouleversé, et avec lui tous les Noirs du monde, qui connurent rapidement la nouvelle. Race infortunée, son errance n'avait donc pas commencé avec les marchands d'esclaves ! Déjà, au fond des temps, les ancêtres des malheureux arrachés à l'Afrique avaient eux-mêmes été arrachés à leur patrie du ciel. Quand donc s'achèveraient leurs malheurs ? Les Noirs américains se rassemblaient dans les églises et chantaient : "Seigneur, fais cesser mes tribulations ! Seigneur, ramène-moi dans ma patrie céleste." Une nouvelle nostalgie naissait dans le grand coeur collectif de la race noire.
C'est le seul ouvrage de Barjavel faisant mention d'extraterrestres, et d'ailleurs l'auteur confiait fréquemment dans des articles ou lors d'interviews qu'il appréciait peu cette forme de science-fiction peuplée de monstres. L'article-interview dans la revue Horizons du fantastique du 2ème trimestre 1970 commente largement ce point de vue
(voir la transcription de cette interview)
3 - Un nombre apparaît de manière curieusement récurrente dans l'oeuvre de Barjavel : 17 [A].
Comme l'évoque aussi le Quizz du barjaweb, ce nombre 17, intervient très souvent dans les romans de Barjavel...
On peut n'y voir là qu'une coïncidence, mais il semble que l'auteur, lorsqu'il avait à évoquer une quantité, choississe cette valeur.
Un petit (Quizz numérique) en relève de façon ludique quelques occurrences, et je ne peux que renvoyer
à la page d'une étude piquée d'humour originaire de l'ENS de Lyon [ voir ] qui liste les propriétés quasi-ésotériques de ce nombre.
42 est le nombre mythique de la tétralogie de Douglas Adams « Le Guide du routard galactique », nombre qui est la réponse à une question dont le lecteur se demande bien laquelle elle peut être...
Quant à 9, Barjavel n'en fait pas un usage particulier, bien que l'Enseignement de Gurdjieff en fasse grand cas pour ses propriétés géométrico-ésotériques...
4 - La catastrophe qui cause le drame de Ravage est : On ne le sait pas [B].
Certes, l'auteur évoque un projet de l'Empereur Noir du Brésil, Robinson, de bombardement :
Rio DE JANEIRO (de notre correspondant particulier). - L'Empereur Noir Robinson, souverain de l'Amérique du Sud, vient d'effectuer un voyage circulaire dans ses Etats. Malgré la discrétion des milieux officiels, nous croyons pouvoir affirmer que l'Empereur Noir, au cours de ce voyage, aurait inspecté les bases de départ d'une offensive destinée à mettre fin à la " guerre larvée " qui oppose son pays à l'Amérique du Nord.
« On ignore de quelle façon se déclenchera cette offensive, mais, de source généralement bien informée, nous apprenons que l'Empereur Robinson aurait déclaré, au retour de son voyage, que "le monde serait frappé de terreur" ».
mais ce bombardement n'est pas décrit, et d'ailleurs les perturbations électriques précédant la disparition compléte de l'électricité en sont a priori totalement indépendantes.
C'est dans Le Grand Secret qu'un virus est la cause du mystère et de la suite d'événements nourissant l'intrigue.
5 - Un anachronisme digne de la S.-F. apparait avec humour dans un roman "merveilleux" : L'ENCHANTEUR [A].
Merlin offre à Bénigne une provision inépuisable de boîtes de conserve, et surtout le réchaud à gaz pour les réchauffer...
- Vous êtes bien bon de nous avoir apporté une branche... Mais elle va être vite finie... La misère qu'on a, la misère des misères, c'est que les choses durent pas : quand le bois a fini de brûler, y en a plus ! Quand on a mangé la soupe, y en a plus ! Quand je vois la cheminée pleine de cendres, quand je vois le fond de mon écuelle, je me dis c'est pas possible, va falloir encore recommencer, aller à la forêt, éplucher les fèves et en semer d'autres pour qu'elles poussent et qu'on les mange et de nouveau y en aura plus ! Pourquoi les choses durent pas, l'Enchanteur ? C'est la misère ! Vous pourriez pas les faire durer ?
- Bénigne, lui dit Merlin, la branche que je t'ai apportée ne s'usera pas. Regarde : tu vois ce petit robinet qui a poussé à côté de la cheminée. Si tu veux que ton feu brûle, tu le tournes comme ça, et pour l'éteindre tu le tournes en sens inverse... Essaye !...
De ses vieux doigts maigres tordus, elle tourna le petit robinet de cuivre et la flamme de la branche baissa, baissa, et s'éteignit. Elle tourna le robinet dans l'autre sens, et le bois fit " flop ! " et les flammes jaillirent.
- Hé ben ! Hé ben ! dit Bénigne, ça c'est quelque chose !
- Pour les fèves, dit Merlin, je te promets que ton écuelle sera toujours pleine...
- Des fèves, toujours des fèves ! grogna la vieille. Je mange que ça depuis que mon Yorik s'est noyé... Vous pourriez pas y mettre un peu de poisson ?
Merlin se mit à rire. Il dit :
- Regarde dans ton placard...
Elle ouvrit la porte de bois qui grinça, et vit, sur les planches, des piles de boîtes brillantes, depuis le bas du placard jusqu'en haut. Fascinée, elle regardait les images en couleurs qui étaient dessinées sur les boîtes. Elle ne connaissait pas les lettres, et ne pouvait pas lire les noms des nourritures, mais elle reconnaissait bien le bout de lard et la saucisse et les petites fèves - qui étaient des haricots - du cassoulet. Elle reconnaissait du poisson, des drôles de pommes - qui étaient des pêches, elle n'en avait jamais vu -, elle voyait des espèces de grains de blé marron aplatis qui étaient des lentilles, elle voyait des carottes avec des pois, et encore des choses qu'elle ne connaissait pas, et qui avaient l'air d'être bien bonnes à manger. Et pas de fèves ! Pas de fèves !...
- C'est tout préparé, tout cuit, dit Merlin. Tu n'as qu'à ouvrir la boîte que tu as choisie, comme ça...
Il lui montra, souleva l'anneau plat, passa un doigt dedans, tira, le couvercle de la boîte se déchira et une délicieuse odeur de ragoût se répandit dans la pièce.
- Miam, miam !... fit Bénigne.
Il est aussi question dans l'Enchanteur de marteaux-pilons dont la présence au Moyen-Âge peut aussi étonner...
6 - Un thème à consonnance onirique se retrouve dans Tarendol, Ravage et La Nuit des temps : la descente d'un escalier sans fin [B].
En effet, cette description apparaît dans ces trois romans :
- Le rêve de Marie (p 400 et ss. de l'édition Folio n° 169)
- La descente de la foule par les escaliers de la tour, et le dépassement du rez-de chaussée (p 101 du Folio n° 238)
- La fuite d'Éléa et Païkan par les escaliers oubliés de Gondawa avec le "sans clé".
Dans ces scènes, on retrouve évoquée plus ou moins la caractéristique « feutrée » du revêtement des marches :
- tapis (« un tapis assourdissait le piétinement de leurs pas » ) dans Ravage.
- couche de poussière épaisse (comme du feutre) recouvrant les marches dans la Nuit des temps.
7 - Dans La Nuit des temps, les communications se font par : Transmission radio des ondes cérébrales [B].
Des cercles d'or - sortes de serre-tête - contenant un système électronique miniaturisé au niveau moléculaire permettent
de capter les ondes cérébrales, d'en moduler un signal radio et de le transmettre à un autre cercle récepteur.
Les pensées, ou souvenirs remémorés, de l'indiviu émetteur sont alors visionnés et pratiquement revécus par le récepteur.
- Je ne sais pas... Coban sait... Mais je peux vous montrer...
Elle tend la main vers les objets posés devant elle. Elle choisit un cercle d'or, le prend à deux mains, l'élève au-dessus de sa tête et le coiffe. Deux petites plaques s'appliquent à ses tempes. Une autre recouvre son front au-dessus de ses yeux. Elle prend un deuxième cercle.
- Simon... dit-elle.
Il se tourne vers elle. Elle le coiffe du second cercle, et, d'un geste du pouce, abaisse la plaque frontale, qui vient masquer les yeux du jeune médecin.
- Calme... dit-elle.
Elle pose ses coudes sur la table et met sa tête entre ses mains. sa plaque frontale est restée relevée. Elle ferme lentement ses paupières sur ses yeux de nuit.
Tous les regards, toutes les caméras sont braqués sur Éléa et Simon assis côte à côte, elle accoudée à sa table, lui droit sur sa chaise, le dos appuyé au dossier, les yeux bouchés par la plaque d'or.
Le silence est tel qu'on entendrait tomber un flocon de neige.
Et tout à coup Simon a un haut-le-corps. On le voit porter ses mains ouvertes devant lui, comme s'il voulait s'assurer de la réalité de quelque chose. Il se dresse lentement, il chuchote quelques mots que la Traductrice répète en chuchotant :
- Je vois !... J'entends...
Comme la plupart des romanciers de science-fiction d'avant 1980, Barjavel, dans sa grande sagesse, n'évoque pas le téléphone sans fil...
Il a souligné à maintes reprises l'importance qu'il préssentait au laser en particulier dans le cinéma, par l'usage de techniques holographiques qu'il
voyait promises à un bel avenir, mais n'en fait pas un moyen de transmission (voir l'article-interview dans Horizons du fantastique cité plus haut).
8 - Les héros du roman "La Tempête" sont inspirés de : L'ANCIEN TESTAMENT [A].
Précisément du livre de Judith, bien sûr, qui rapporte le récit de l'intriqgue entre la Juive Judith
et le général babylonnien Holopherne. Dans l'interview rapportée dans l'édition Le Tallandier du roman, Barjavel conclus en indiquant :
Mais, puisqu'il est question de mots, je suis surpris que vous ne m'ayez pas interrogé sur le nom du héros, Olof... Mon livre
n'est qu'une version futuriste de l'histoire biblique de Judith. Elle a sauvé son peuple
encerclé par les soldats de Nabuchodonosor, en tuant, après s'être donnée à lui, le chef des
armées qui s'appelait... (H)oloph(erne) !
Voir : Traduction de La Bible de Jérusalem : http://www.tradere.org/biblio/bdj/jdt.html
Judith fut laissée seule dans la tente avec Holopherne effondré sur son lit, noyé dans le vin.
3. Judith dit alors à sa servante de se tenir dehors, près de la chambre à coucher, et d'attendre sa sortie comme elle le faisait chaque jour. Elle avait d'ailleurs eu soin de dire qu'elle sortirait pour sa prière et avait parlé dans le même sens à Bagoas.
4. Tous s'en étaient allés de chez Holopherne et nul, petit ou grand, n'avait été laissé dans la chambre à coucher. Debout près du lit Judith dit en elle-même: Seigneur, Dieu de toute force, en cette heure, favorise l'oeuvre de mes mains pour l'exaltation de Jérusalem.
5. C'est maintenant le moment de ressaisir ton héritage et de réaliser mes plans pour écraser les ennemis levés contre nous.
6. Elle s'avança alors vers la traverse du lit proche de la tête d'Holopherne, en détacha son cimeterre,
7. puis s'approchant de la couche elle saisit la chevelure de l'homme et dit: Rends-moi forte en ce jour, Seigneur, Dieu d'Israël !
8. Par deux fois elle le frappa au cou, de toute sa force, et détacha sa tête.
9. Elle fit ensuite rouler le corps loin du lit et enleva la draperie des colonnes.
(Le Livre de Judith, 13, 2-9)
À noter que ce livre est considéré comme apocryphe, c'est à dire étranger à l'inspiration divine, par les Protestants.
Ce thème a inspiré de nombreux artistes :
Le Prince Blessé reprend des noms de héros des Mille et Une Nuits (Haroun Al-Rachid...) et en garde aussi la saveur féérique.
9 - "Le Voyageur imprudent" se déplace dans le Temps grâce à : Une DROGUE [A].
Ce sont bien des petites pilules élaborées par le savant Essaillon qui permettent le déplacement dans le temps.
Le scaphandre enduit de Noëlite, substance verte mettant ce qu'elle recouvre à l'écart du temps, a pour but de protéger le voyageur et de le rendre invisible de l'époque qu'il visite.
- Si vous absorbez une de ces pilules, dit Essaillon, vous êtes aussitôt rajeuni, selon sa couleur, d'une heure, d'un jour, d'une semaine, d'une lune, d'un an.
Il tira une seconde boîte de sa poche. Elle contenait d'autres pilules, de forme oblongue.
- Ces ovules produisent l'effet contraire. Ils accélèrent l'avance vers l'avenir.
Il choisit dans les boîtes deux pilules violettes et deux ovules de même couleur, les posa devant Saint-Menoux :
- Tentez l'expérience, dit-il.
10 - Dans "Ravage", Barjavel situe près de l'emplacement de la Gare Montparnasse : Une TOUR [B]
En effet, dès 1942 l'auteur imaginait à cet endroit une tour (contenant l'usine de fabrication de nourriture). Vision anticipatrice notoire, la Tour Montparnasse qui fut construite vers 1972 semble bien avoir réalisé
la prophétie de Barjavel. Lui-même semblait vouer une certaine affection pour ce monument, qu'il prit comme sujet de photographie dans son recueil Les Fleurs l'amour la vie
(voir la présentation du livre ).
Un aéroport est situé au nord de Paris dans La Nuit des temps, mais à l'époque de la rédaction du roman Le Bourget existait déjà et Roissy était sérieusement projeté.
Enfin, si Barjavel évoque à plusieurs reprises les cités souterraines dans ses romans et essais, il n'en décrit pas explicitement de construction.
11 - Le dernier livre de René Barjavel dont on puisse trouver un exemplaire dédicacé par l'auteur est : La Peau de César [C]
On notera le petit piège contenu dans cette question : le dernier livre de Barjavel est bien Demain le Paradis, mais il fut publié en 1986, alors que l'auteur est décédé en novembre 1985. Il n'a donc pu dédicacer que La Peau de César, son avant-dernier ouvrage.
Toutefois on trouve de rares exemplaires de Demain le Paradis portant un envoi "R.Barjavel", parfaitement authentiques, mais il s'agit de la signature de sa fille Renée, qui a poursuivi et assuré la promotion du livre à sa parution.
Cinéma Total est quant à lui un des tout premiers livres de Barjavel (1944).
12 - Dans "Le Voyageur imprudent", le savant Essaillon invente un réfrigérateur à Noëlite utilisant le principe : de maintenir les aliments dans un présent perpétuel [B]
C'est bien là l'effet de la Noëlite, déjà présenté à la question 9. Les deux autres propositions ne constitueraient pas vraiment un moyen de conservation... En revanche, la Noëlite constitue une arme redoutable puisque, répandue sur une population, elle la soustrait à la flèche du temps et la fige dans une immobilité horrible, comme Saint-Menoux en fait l'expérience en Inde...
13 - Dans "Le Grand Secret", le biologiste Sri Bahanba est à bord d'un avion qui suit celui du Président indien. Deux pièces à conviction l'accompagnent : Un papillon et une rose [B]
La rose est un élément récurrent dans l'oeuvre de Barjavel, ainsi que la couleur rose ; son évocation dans Le Grand Secret est un écho de la poésie de Ronsard qui fait de la rose un symbole d'éphémérité
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
et sa survie anormalement prolongée est utilisée par Sri Bahanba comme preuve de l'effet du
Le papillon est choisi pour les mêmes raisons, il s'agit précisément d'un
thaumantis diores, aux ailes brunes tachées de bleu, dont la durée de vie, bien connue, ne dépassait pas trente heures
alors qu'il accompagne le savant dans sa tournée des capitales du monde pendant plusieurs années...
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14 - Dans "Une Rose au paradis", les habitants de l'Arche ne disposent que d'un livre : Les Fables de La Fontaine [B]
Ou, plus précisément, ils disposent aussi d'un dictionnaire - cependant expurgé par Mr Gé.
Elle avait reconnu au premier coup d'oeil un Petit Labrousse illustré, l'ami des écoliers et des familles
- plus de familles, plus d'écoliers, plus de montagnes, plus de maisons, plus de poissons, plus de sardines, elles ont bouilli, non il ne fallait pas penser à tout ça, elle s'assit dans le fauteuil jaune, Jim s'accroupit à ses pieds.
- Et c'est un dictionnaire illustré î Tu vas enfin voir des images !... Regarde Paris !... A l'idée de revoir Paris, incapable de résister, elle se saisit du Labrousse et l'ouvrit nerveusement. Et tout de suite elle vit : à la place des illustrations, partout, il n'y avait que des rectangles blancs...
Ecoeurée, elle jeta à M. Gé un regard chargé d'une telle fureur qu'il aurait dû le transformer à distance en un petit tas de cendres fumant et vénéneux.
La lecture des Fables donnera aux enfants Jonas de bien curieuses idées sur la réalité du monde extérieur, et les réactions à attendre des animaux qui les accompagnent dans l'Arche à leur réveil.
Robinson Crusoe est le seul livre dont Jean-Jacques Rousseau autorise la lecture à la jeunesse dans son livre Émile ou de l'édication, mais c'est une autre histoire...
La Faim du tigre est bien sûr un livre de Barjavel, celui dont il disait :
Je donnerais tous mes livres pour celui-ci.
15 - L'immortalité devient réalité dans : Le diable l'emporte [A].
Bien sûr, l'immortalité est le thème du Grand Secret, sous une forme partielle cependant puisque elle ne dispense pas de se nourrir, Sri Bahanba mettant fin à sa vie par un jeûne poussé à son extrême.
Dans Le diable l'emporte, l'immortalité totale et effective est conférée au Civilisé, résultat de génie techno-biologique qui en a fait un être quasi artificiel, mais indéfiniment "heureux", survivant aussi à la destruction de la surface de la planète...
La suspension de la vie résultant de l'hibernation au zéro absolu dans La Nuit des temps n'est pas à proprement parler l'immortalité.
16 - Monsieur Gé intervient dans : Une pièce de théatre [C]
Certes, Monsieur Gé (ou M. G.) intervient dans plusieurs romans de Barjavel : Le Diable l'emporte, Colomb de la lune et Une rose au paradis.
Mais, parmi les options proposées, c'est de la pièce Madame Jonas dans la baleine qu'il s'agit.
Pièce écrite et produite au Théatre des Bouffes Parisiens en 1970 avec Maria Pacôme, elle eut un succès mitigé, et Barjavel reprit l'histoire en 1980 pour en faire Une rose au paradis. La pièce fut aussi remontée en 1977 (avec Rosy Varte et Guy Tréjean) pour l'émission de télévision « Au théatre ce soir » du 22 juillet de cette année-là.
17 - René Barjavel trouvait des thèmes d'inspiration dans : LES ROMANS DE S.-F. [B]
Ceux auxquel il se réfère lui-même explicitement sont les « Aventures extraordinaires »,
de Jules Verne, dont il a tiré le qualificatif générique de ses premiers romans de S.-F. :
les « Romans extraordinaires ». Les Éd. Omnibus en ont d'ailleurs fait le titre
du premier recueil anthologique. En revanche, on ne peut pas dire que ses romans soient thématiquement
apparentés à ceux de Jules Verne. Des sources d'inspiration plus nettes se trouvent dans des
romans de S.-F. du début du siècle, d'auteurs Français ou étrangers. Ces affiliations sont analysées
en détail dans les sections « Genèse des oeuvres » du barjaweb.
Citons en particulier dès maintenant :
- « La Sphère d'or » de l'australien Erle Cox, dont l'histoire présente des similitudes avec la Nuit des temps.
- « Le Visage dans l'abîme » d'Abraham Merrit, qui raconte la découverte en Amérique du Sud d'une civilisation oubliée apparentée à l'Atlantide
- « La Force mystérieuse » de J.H. Rosny Aîné, qui décrit comment un phénomène d'origine cosmique fait disparaître momentanément l'électricité, et les troubles sociaux qui s'ensuivent...
ainsi que quelques autres moins bien connus...
Barjavel qui voit dans la S.-F. le modèle de la littérature moderne, est toutefois resté constamment ouvert
aux autres genres, dans lesquels il s'est pratiquement tous investi. Mais son nom reste toutefois attaché à ce domaine,
qu'il a contribué à fonder en France.
En particulier, s'il connaissait bien les textes religieux et que les références dans ce domaine
ne sont pas rares dans son oeuvre, on ne peut véritablement parler d'inspiration émanant de ces écrits quand on
sait la méfiance de l'écrivain pour le dogmatisme qu'ils véhiculent. Il s'agirait plutôt d'une « contre-influence ».
Quand aux romans classiques de l'époque du romantisme réaliste, il les appréciait fort peu lui même
et les considéraient comme dépassés, à tel point qu'il avouait détester Zola, et se faisait alors un
critique sévère de ces auteurs classiques. Cela ne l'empécha pas pour autant d'écrire Tarendol,
qui obéit à tous les standards de cette littérature.
En parallèle de la S.-F., il a constamment jeté un regard positif sur le fantastique, dans lequel
il s'illustrera tardivement au travers des récits des Chevaliers de la Table Ronde et du Cycle du Graal, qui
ont inspiré l'Enchanteur, ainsi que les deux romans « irlandais » les Dames à la licorne
et les Jours du monde. Ces romans viendront plus tardivement mais il évoque leur thème à plusieurs reprises, par
exemple dans ses chroniques ou interviews, mais aussi dans un ouvrage précoce maintenant oublié,
qui puise dans l'inspiration médiévale.
Questions "subsidiaires"
Ces questions ayant pour but de départager d'éventuels ex-aequos, comportaient des "pièges" plus ou moins sévères...
A - Cette scène est extraite d'un film dont René Barjavel est le scénariste : Le Mouton à cinq pattes [A].
Et non Don Camillo ! Ce film, amusante prestation de six rôles pour le seul Fernandel (il s'agit de
quintuplés et de leur père...) apporte vers la fin un savoureux clin d'oeil à Don Camillo...
B - Le hobby de René Barjavel était : La photographie des fleurs [B].
C'est cette activité qu'il a concrétisé par son livre Les Fleurs l'amour la vie, contenant de remarquables photographies de fleurs et de vues de Paris.
Il confiait dans une interview de 1978 avoir réalisé six cents diapositives d'un même pied de pétunia, plante qu'il semblait particulièrement apprécier et dont ses rebords de fenêtres étaient ornés dès les beaux jours...
C - Ses réflexions "écologistes" amenaient René Barjavel à préconiser tout particulièrement : La GÉOTHERMIE [C].
Dans Lettre ouverte aux vivants, il fait le tour des sources d'énergies alternatives au pétrole et au nucléaire pour lesquelles il envisage un avenir sûr pour la planète.
S'il évoque l'énergie marémotrice, c'est la géothermie qui a ses faveurs du fait de son faible coût, de ses aspects inépuisable et non-polluant.
Sur le cyclisme, on peut se souvenir de quelques articles de Carrefour (été 1951) et du Journal du Dimanche qui témoignent de son intérêt pour le Tour de France...
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