Le café littéraire qui constituait une des animations culturelles majeures de cette journée permit de prendre connaissance de différents éclairages sur l'oeuvre de Barjavel. Madame Nathalie Fert-Rifaï y jouait le rôle de modératrice et a présenté les intervenants. Madame Simone Chamoux (au micro sur la photo ci-dessus) enseignante retraitée, demeure à Nyons (près du hameau des Rieux),
et par son activité d'écrivain a acquis une passion et une grande compétence dans l'histoire locale de la région, ses traditions
et la généalogie.
Elle a en particulier à son actif des livres de cuisines provençale ("Les Olives"), un roman historique sur le temps des galères
(La Passe-vogue
{ voir }), une généalogie romancée de ses propres ancêtres (Gens de Provence) et surtout
son ouvrage, magnifiquement illustré d'une grande collection de cartes postales anciennes, "Nyons",
qui ne peut que passionner le visiteur qui s'intéresse à la ville et ses environs, mais aussi le lecteur
de la Charrette bleue dont il montre un nombre important de lieux tels que les a connus l'auteur.
Ensuite M. J.Hilaire (à droite sur la photographie), architecte, présenta sa thèse, intitulée « De l'écrit au construit », qui portait sur une analyse de l'oeuvre de Barjavel pour en faire ressortir une vision aboutissant à une programmation dynamique de l'espace, concrétisable par un projet architectural de lieu Barjavel. Cela pourrait être un bâtiment commémorant l'auteur, offrant un parcours topologique représentatif de la succession de thèmes qui ressortent de la lecture de ses romans (essentiellement ceux de science-fiction). Enfin, Pierre Creveuil (à gauche sur la photographie) a procédé à une analyse des évocations de lieux dans l'oeuvre
de Barjavel, ce qui constitue un "axe de visite" du barjaweb. Bien sûr, ce n'est pas le seul, aussi une présentation
plus générale du site et des motivations de ses auteurs - certains étant présents dans l'assistance -
a terminé cette intervention.
Intervention de P. Creveuil, représentant de G.M.Loup Nathalie Fert : Pour présenter le barjaweb et ses auteurs, il y a bien sûr
le petit dépliant qui a été préparé et distribué à la mairie. Dans le cadre de cette journée et
des thèmes choisis pour ce "café littéraire", il m'a paru intéressant de mettre en avant un "axe
d'étude" qui apparaît sur le site, celui de la recherche des origines des oeuvres, et plus
particulièrement, puisque nous sommes à Nyons, les lieux que Barjavel utilise dans ses récits.
N.F. : il y a déjà une mention de M. Hilaire sur la page consacré à "Ravage les a inspirés" ? P.C. : oui, mais pour l'instant assez succincte.. Je comptais bien sur son intervention pour en savoir plus, et ainsi constituer une matière solide pour compléter cette rubrique... N.F. : Vous présentez dès l'entrée du site "Barjavel et l'ensemble de son oeuvre". Comment le, et la, qualifieriez-vous ? P.C. : Totale (comme son Cinéma), multi-facette : écrivain, mais aussi visionnaire, explorateur des traditions, et surtout CONTEUR - qui était selon lui l'étymologie de son nom "bavard", ce que Mme Chamoux a fort bien fait de indiquer comme étant inexact, mais en tout cas bien trouvé. N.F. : C'est quand même par l'activité d'écrivain qu'il est le plus connu. P.C. : Hum... maintenant, oui. Disons que ceux qui le connaissent le connaissent par cette activité. C'est aussi celle qu'il a laissée gravé sur sa tombe. Mais historiquement, non. Journaliste, homme de cinéma, chroniqueur de radio et télévision, parfois diversement apprécié dans les années 70 (on retrouve des critiques peu amène de certains de ses confrères en science-fiction, Iokamidis, Andrevon, et cette émission de P.Desproges un peu affligeante...). Mais j'ai l'impression qu'il est "redécouvert" depuis peu, par les jeunes surtout, comme l'indiquent quelques témoignages que nous recueillons sur le site. N.F. : Et dans ses sources d'inspiration, les noms de lieux interviennent ? P.C. : Inspiration, oui. Imagination, non. Lui-même le dit : Pour les lieux, c'est pareil. Pour les noms de personnes, c'est pire ! Alors il construit les uns avec les autres, réalisant une alchimie des lieux, une sorte de Grand Oeuvre toponymique qui est un aspect presque ésotérique de ses écrits. N.F. : Ces lieux tournent autour de Nyons ? P.C. : Non ! pas exclusivement. Il faut bien voir que quand Barjavel a commencé
à écrire, il était bien loin de Nyons. Sa ville natale, en littérature, c'est Cusset ;
et sa région, le Bourbonnais, a laissé une empreinte forte dans ses premières oeuvres :
les Enfants de l'ombre, ainsi que l'écrivain local très influent, et maintenant quasiment oublié,
Charles Louis Philippe. Saint-Menoux par exemple, est le nom d'un village de l'Allier. Barjavel
en parle dans un article du Journal du Dimanche rapporté dans les Années de l'Homme, et la
particularité de la Fontaine de Débredinage (qui guérissait les bredins, c'est à dire les
fous !) a - dit-il - été sans effet sur lui, mais le nom du lieu a été donné au
voyageur du temps... N.F. : Il y a aussi des endroits plus "anecdotiques", voire moins "avouables"... P.C. : Oui ! Il y a la maison du Garde Vert... curieusement transposée, et surtout Tahiti, qui est Port-Arthur... que Mme Chamoux décrit fort bien dans son livre sur Nyons. Mais au delà de Nyons, Tarendol, c'est aussi tout le mystère des châteaux Drômois. J'ai cru possible, lorsque j'ai entrepris il y a quelques mois la page "Promenade dans la
Drôme" ( voir ), de retrouver le prototype de
Saint Sauveur du Désert... Vaine prétention dont j'ai dû rapidement reconnaître d'une part
l'impossibilité - surtout à distance car je ne connaissais alors pas vraiment les lieux -
et d'autre part l'intérêt passionnant, car après une visite récente de ces villages haut-perchés,
tout le merveilleux du récit médiéval, qui apparaît en contrepoint des amours de Marie et Jean,
renaît de la vue et même du contact de ces villages silencieux, de ces pierres chaudes mais polies
par les souvenirs d'autres temps.
Alors cette chapelle du Chevalier, est-ce au Poët-Laval (qui a aussi ces deux villages haut et bas), ou au prieuré d'Alayrac
où je me suis vraiment attendu à voir Jean et Marie s'aimer dans les ruines... ?
{ voir }
Mais un peu au Sud de Nyons, il y a le Ventoux. Colomb de la Lune - le roman qui était le plus cher à Barjavel - est un hymne d'amour au Ventoux. Amour triste semble-t-il, puisqu'il le transforme et le métamorphose de manière ahurissante, et même grotesque... "Disséqué", on pourrait même dire "dénaturé", et à un point tel que cela semble bien plutôt être une manière d'exorcisme, pour que cela ne lui arrive pas vraiment, en fait à l'instar du plateau d'Albion, tout proche, qui fut à cette même époque (Colomb fut écrit en 1961, après un premier petit texte paru dans le magazine Fiction en 1959) creusé en profondeur pour l'installation des bases de lancement de missiles dont les centres de contrôle se trouvent dans des grottes creusées sous le Ventoux lui-même. Toute la cuvette de Montbrun réquisitionnée... tout semble clair, y compris l'hôtel (des Voyageurs ? il n'est pas vraiment au bon endroit à Montbrun les Bains) Mais là encore, les pistes sont soudain brouillées... des détails, certes, mais qui invitent à se poser des questions, car "c'est dans ce qui n'est pas comme on s'y attend que se trouve le message"... Creuzier où se trouve la villa de Colomb où se joue tout le drame d'amour de l'histoire... Et inattendu ce Cusset où M. Gé met à l'écart le journaliste Tierson... D'ailleurs rien à Montbrun les bains ne semble se souvenir de Colomb, sauf... cette chose étonnante que j'y ai vue lors de ma visite il y a quelque jours : au milieu presque exact de la cuvette de Montbrun { voir }, à environ 150 mètres de la route, au bout d'une allée, une maison, ou ancienne ferme, dans le jardin de laquelle se trouve une étonnante sphère metallique d'un peu plus d'un mètre de diamètre, de couleur d'acier bruni, posé sur un petit socle... Ce n'est certes pas un réservoir de butane, maisjJe n'ai pas osé m'enquérir de sa nature exacte, et je le regretterai jusqu'à la prochaine fois. Mais je n'aurai pas été étonné de m'entendre répondre : « a ? mais c'est leouf de Colomb ! » N.F. : Pour les lieux de Nyons il y a La Charrette Bleue... P.C. : Indéniablement. Nyons y apparaît "enfin" explicitement, et ce que j'ai
compris en venant ici c'est que c'est La Charrette bleue qui a fait connaître Barjavel aux
Nyonsais... donc pas avant 1980. N.F. : Dans ce que vous avez présenté tout à l'heure, vous soulevez des questions, est-ce à dire que vous "interpelez" le Public (ici présent) ? P.C. : Le Public, oui, d'ailleurs je remercie tous ceux qui sont là non seulement
de leur présence, et de leur intérêt, mais aussi de leurs témoignages. N.F. : Justement, pour élaborer votre site, le travail de recherche doit être important ? P.C. : D'autant plus important que nous ne sommes - jusqu'à présent -
porteur d'aucun "mandat officiel" qui nous ouvrirait des portes - ne serait-ce que celles de la Bibliothèque Nationale...
Et nous n'y tenons pas vraiment. C'est donc bien un travail de "fourmis", non seulement quantitativement mais aussi
qualitativement, car on a bien compris qu'il s'agit d'un travail d'équipe se présentant comme "une seule tête",
ce qui n'est pas toujours facile car il y a entre nous des visions différentes...
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